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 Les champignons

Les champignons

Plein de ces idées, il se retira dans une maison de campagne sur les bords de l’Euphrate. Là il ne s’occupait pas à calculer combien de pouces d’eau coulaient en une seconde sous les arches d’un pont, ou s’il tombait une ligne cube de pluie dans le mois de la souris plus que dans le mois du mouton. Il n’imaginait point de faire de la soie avec des toiles d’araignée, ni de la porcelaine avec des bouteilles cassées, mais il étudia surtout les propriétés des animaux et des plantes, et il acquit bientôt une sagacité qui lui découvrait mille différences où les autres hommes ne voient rien que d’uniforme.

Un jour, se promenant auprès d’un petit bois, il vit accourir à lui un eunuque de la reine, suivi de plusieurs officiers qui paraissaient dans la plus grande inquiétude, et qui couraient çà et là comme des hommes égarés qui cherchent ce qu’ils ont perdu de plus précieux. « Jeune homme, lui dit le premier eunuque, n’avez-vous point vu le chien de la reine ? » Zadig répondit modestement : « C’est une chienne, et non pas un chien. - Vous avez raison, reprit le premier eunuque. - C’est une épagneule très petite, ajouta Zadig ; elle a fait depuis peu des chiens ; elle boite du pied gauche de devant, et elle a les oreilles très longues. - Vous l’avez donc vue, dit le premier eunuque tout essoufflé. - Non, répondit Zadig, je ne l’ai jamais vue, et je n’ai jamais su si la reine avait une chienne. »

Précisément dans le même temps, par une bizarrerie ordinaire de la fortune, le plus beau cheval de l’écurie du roi s’était échappé des mains d’un palefrenier dans les plaines de Babylone. Le grand veneur et tous les autres officiers couraient après lui avec autant d’inquiétude que le premier eunuque après la chienne. Le grand veneur s’adressa à Zadig, et lui demanda s’il n’avait point vu passer le cheval du roi. « C’est, répondit Zadig, le cheval qui galope le mieux ; il a cinq pieds de haut, le sabot fort petit ; il porte une queue de trois pieds et demi de long ; les bossettes de son mors sont d’or à vingt-trois carats ; ses fers sont d’argent à onze deniers. - Quel chemin a-t-il pris ? Où est-il ? demanda le grand veneur. - Je ne l’ai point vu, répondit Zadig, et je n’en ai jamais entendu parler. »

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 Notre beau jardin de l'Oise

Notre beau jardin de l'Oise

Pour le bastiment et assortiment de l’abbaye, Gargantua feist livrer de content vingt et sept cent mille huyt cent trente et un moutons à la grand laine, et par chascun an, jusques à ce que le tout feust parfaict, assigna, sus là recepte de la Dive , seze cent soixante et neuf mille escuz au soleil, et autant à l’estoille poussiniere . Pour la fondation et entretenement d’icelle donna à perpetuité vingt troys cent soixante neuf mille cinq cens quatorze nobles à la rose de rente fonciere, indemnez, amortyz, et solvables par chascun an à la porte de l’abbaye, et de ce leurs passa belles lettres.

Le bastiment feut en figures exagone, en telle façon que à chascun angle estoit bastie une grosse tour ronde à la capacité de soixante pas en diametre, et estoient toutes pareilles en grosseur et protraict. La riviere de Loyre decoulloit sus l’aspect de septentrion. Au pied d’icelle estoit une des tours assise, nommée Artice, et tirant vers l’Orient, estoit une aultre nommée Calaer ; l’aultre ensuivant Anatole ; l’aultre après Mesembrine ; l’aultre après Hesperie ; la derniere Cryere. Entre chascune tour estoit espace de troys cent douze pas . Le tout basty à six estages, comprenent les caves soubz terre pour un. Le second estoit voulté à la forme d’une anse de panier ; le reste estoit embrunché de guy [gypse] de Flandres à forme de culz de lampes, le dessus couvert d’ardoize fine, avec l’endousseure de plomb à figures de petitz manequins et animaulx bien assortiz et dorez, avec les goutieres que yssoient hors la muraille, entre les croyzées, pinctes en figure diagonale de or et azur, jusques en terre, où finissoient en grands eschenaulx qui tous conduisoient en la riviere par dessoubz le logis.

Ledict bastiment estoit cent foys plus magnificque que n’est Bonivet, ne Chambourg, ne Chantilly ; car en ycelluy estoient neuf mille troys cens trente et deux chambres, chascune guarnie de arriere chambre, cabinet, guarde robbe, chapelle, et yssue en une grande salle . Entre chascune tour, au mylieu dudict corps de logis, estoit une viz brizée dedans icelluy mesmes corps de laquelle les marches estoient part de porphyre, part de pierre Numidicque, part de marbre serpentin, longues de xxij : piedz ; l’espesseur estoit de troys doigtz, l’assiete par nombre de douze entre chascun repous. En chascun repous estoient deux beaulx arceaux d’antique par lesquelz estoit repceu la clarté, et par iceulx on entroit en un cabinet faict à clere voys, de largeur de ladicte viz. Et montoit jusques au dessus la couverture, et là finoit en pavillon. Par icelle viz on entroit de chascun cousté en une grande salle, et des salles es chambres.

Depuis la tour Artice jusques à Cryere estoient les belles grandes librairies, en Grec, Latin, Hebrieu, Françoys, Tuscan et Hespaignol, disparties par les divers estaiges selon iceulx langaiges. Au mylieu estoit une merveilleuse viz, de laquelle l’entrée estoit par le dehors du logis en un arceau large de six toizes. Icelle estoit faicte en telle symmetrie et capacité que six hommes d’armes, la lance sus la cuisse, povoient de front ensemble monter jusques au dessus de tout le bastiment .

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